Rosalie Blum, un feel good movie de qualité.

Il y a des romans graphiques comme la trilogie Rosalie Blum (écrite et dessinée par Camille Jourdy, aux éditions Actes sud, publiée entre 2007 et 2009) qui vous marquent comme un plaisir de lecture inoubliable.

Une fois de plus, j'ai découvert cette pépite dans une bibliothèque de la Ville de Paris, que j'ai lu d'une traite tellement les personnages étaient savoureux et les situations cocasses.

Quelle fut ma joie cinq ans plus tard de découvrir la bande-annonce d'une adaptation cinéma avec Noémie Lvovsky, Kyan Khojandi et Alice Isaaz. Ils incarnent avec justesse et sincérité les personnages tels que je les vois dans mon imaginaire personnel.

Rosalie Blum est une épicière, dont l'âge oscille entre quarante et cinquante ans. C'est quelqu'un de curieux qui vit dans une petite maison à l'écart de la ville. C'est elle qui porte l'intrigue de l'histoire, son passé familial l'a installée dans cette forme de solitude.

Elle a une nièce Aude avec qui elle a une relation de qualité mais qui va découvrir seulement à la fin de l'histoire qui est cette tante qu'elle connait peu et pourquoi elle fait régulièrement des visites à la prison du coin.

Un événement bouscule Rosalie de sa torpeur: depuis quelques temps, un homme la suit sur le sentier qui mène à sa maison, dans les bars qu'elle a l'habitude de fréquenter... et donc elle demande à sa nièce de le suivre à son tour pour savoir qui il est.

Vincent Machot est coiffeur dans cette petite ville de province, il vit passivement sous le joug de sa mère, une femme possessive et farfelue incarnée avec brio par Anémone.Son manque d'envie de s'émanciper l'a installé dans un certain confort, ses petites habitudes lui ont coûté son histoire d'amour avec Marianne qui a filé vers Paris, lassée de ses non-choix.

C'est d'ailleurs ça le cœur du sujet à travers ces trois trajectoires, la filature est un moyen de se remettre en mouvement, un moteur pour faire bouger le choses dans chacune de leurs vies.

Aude, la nièce est une artiste qui s'ignore, elle rejette un peu ses parents et vit dans une colocation bohème et folklorique avec un personnage haut en couleurs surnommé Kolocataire dans un hangar un peu bordélique.

C'est d'ailleurs, ce personnage qui apporte tout le sel à la bande-dessinée. Il est à l'origine de scènes totalement ubuesques avec des femmes dénudées, des animaux et des accessoires de cirque, c'est extraordinaire, voire érotique mais jamais vulgaire.

Camille Jourdy a apporté dans cette histoire ce personnage qui apporte de la folie et de la fantaisie dans cette petite ville de province. L'autre personnage tout aussi excentrique et excessif est bien entendu la mère de Vincent, celle qui cogne au plafond quand son fils fait du bruit dans l'appartement du dessus.

J'ai vraiment aimé cette histoire campée par ses trois personnages, bloqués par leurs peurs, leur histoire familiale.

Ce sont des gens un peu en marge, gris et invisibles qui vont se remettre en mouvement par leur filature réciproque, moyen de s'apprivoiser quand on a du mal à aborder directement les inconnus pour faire connaissance et rompre avec sa routine personnelle.

Cette histoire a été tournée à Nevers, une moyenne ville de province, peu marquée régionalement, une ville modeste comme les photographie Raymond Depardon.

Comme Mariages de saison, un roman que j'ai chroniqué dans un précédent article, les romanciers et les cinéastes aiment la province, véritable matériau pour ancrer leurs personnages. Et moi aussi j'apprécie de voir d'autres paysages à travers la comédie dramatique Lulu, femme nue, adaptée de la bande dessinée d' Etienne Davodeau chez Futuropolis...

La bande-dessinée fourmille de bons scénarios pour le cinéma : en témoigne Joséphine, la trilogie de Penelope Bagieu, incarnée avec talent par Marilou Berry, Les petits ruisseaux de Pascal Rabaté, Lulu, femme nue ou encore Aya de Yopougon de Clément Oubrerie et Marguerite Abouet.

Cette émulation entre cinéma et librairie est une excellente nouvelle pour les libraires. Moi, j'aime lire des romans graphiques de qualité avec des histoires drôles et originales, du beau dessin et de la technique: l'aquarelle des planches de Rosalie Blum.