L'Amérique anxieuse des années 1930, source d'inspiration de l'art moderne américain et européen.
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La Peinture américaine des années 1930
En l'espace d'une décennie, les États-Unis virent s'imposer des artistes considérés aujourd'hui parmi les plus grands noms de l'art du XXe siècle. Sans doute la situation dramatique du pays, ...
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Peu habituée à fréquenter le musée de l'Orangerie, l'affiche de l'exposition La peinture américaine des années 1930, the age of anxiety m'a attirée du premier coup d' oeil.
Il faut dire que le musée de l'Orangerie associé au musée de Chicago The art institute a réalisé un sacré coup marketing en présentant pour la première fois en Europe le tableau de Grant Wood, American gothic, oeuvre iconique de l'art moderne américain, naturellement tête d'affiche de l'exposition.
Ensuite, le thème de l'exposition est novateur. Je suis beaucoup lassée par les expositions du musée d'Orsay qui peinent à se réinventer, recyclant toujours les mêmes thèmes de l'art franco-français. A force de "se regarder le nombril" et faire payer des droits d'entrées exorbitants, on ennuie les visiteurs qui délaissent les musées.
Il était comique de croiser des touristes américains, non loin de la Concorde et de l'ambassade américaine, qui aiment contempler l'oeuvre gigantesque des Nymphéas de Monet. J'aime aller à Giverny mais à force de regarder toujours les mêmes tableaux de Monet, Manet, Renoir, Degas, Caillebotte..., je suis lassée par la touche impressionniste qui peint une société française du 19eme siècle.
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Le générique de Desperate Housewives expliqué pour illustrer la citation ou le détournement d'image
Petit bijou d'invention et d'originalité, le générique de la série télévisée " Desperate Housewives " fourmille de détails et de références picturales. Un vrai atout en 5 e ou en 4 e pour...
Aussi cette exposition américaine fut une grande bouffée d'air frais, un oeil neuf porté sur d'autres sujets et thématiques, d'autres problématiques, d'autres manières de peindre, d'autres compositions de l'espace...bref une invitation à un voyage transatlantique immédiat.
Même affaiblie par la crise économique de 1929, l'Amérique reste pour nous le symbole de la modernité du rêve américain, toujours plus rapide et en avance que la vieille Europe, ses vieilles pierres et ses traditions.
Je suis passionnée par la peinture d' Hopper pour son esprit critique de la société américaine des années 1930, que j'ai réellement découvert au Grand Palais en 2012. Mais cette présente exposition permet de découvrir d'autres peintres que Hopper : Grant Wood, Joe Jones, Charles Sheeler, Doris Lee...
Cette exposition concise et efficace regroupe 46 tableaux autour de sept grandes parties : une introduction autour du tableau iconique American gothic.
Ensuite les contrastes entre la puissance industrielle et le retour à la terre dû à la crise de 1929. Puis la ville-spectacle, L'Histoire revisitée, cauchemars et réalité... En conclusion, l'exposition annonce l'essor d'un art moderne américain avec l'art révolutionnaire de Jackson Pollock (un des tableaux évoqué dans un excellent film Le sourire de Mona Lisa sur l'enseignement de l'histoire de l'art dans les années 1950 avec Julia Roberts).
Enfin, l'exposition se termine sur le cinéma des années 1930 qui oscillait entre réalisme et imaginaire (des extraits célèbres de films comme Autant emporte le vent ou Les raisins de la colère sont projetés).
J'ai beaucoup aimé cette exposition de qualité, orchestrée avec talent et recherche intellectuelle, la scénographie est sobre mais très intelligente pour mettre en valeur les tableaux. Huit tableaux ont particulièrement attiré mon attention, voici une courte présentation pour expliquer en quoi ils sont percutants.
Pourquoi American gothic est un tableau iconique de l'art américain et de l'histoire de l'art en général?
American gothic représente un portrait de deux personnages : un paysan de l'Iowa avec fourche et sa fille. Ils portent des vetements traditionnels, leurs traits sont sans âge, c'est sa fille mais on pourrait aussi croire que c'est sa femme.
Sa fourche indique son dur labeur, il ressemble à un des fermiers austères de la série populaire La petite maison dans la prairie. Ce qui est très étonnant et important, c'est que c'est l'architecture néogothique en arrière plan qui a inspiré le peintre Grant Wood. C'est une fenêtre d'une maison mais ça ressemble à celle d'une église. Il a peint ce portrait en fonction de l'architecture austère. Ce portrait est une image mentale de l'Amérique profonde crée de toute pièces puisque ce sont le dentiste et la soeur du peintre qui ont posé pour lui.
Grant Wood est un peintre régionaliste très attaché à l'Iowa.Son style archaïsant a été inspiré par l'Europe, les peintres flamands comme Van Eyck qui a peint le célèbre portrait des époux Arnolfini. Ce tableau est une icône de l'art américain, son ADN comme le tableau suivant Thanksgiving.
J'ai été très étonnée de voir ce tableau dans une exposition de beaux-arts tant les personnages sont représentés dans un style naïf. Ce serait plutôt un thème et un traitement pictural choisi pour un poster, une carte postale d'art populaire. Mais ce tableau au même titre que American gothic est l'essence même de l'identité américaine. Il était donc indispensable pour définir ce qu'est l'art américain des années 1930.
Une reproduction de ce tableau a été choisie pour le mur d'ouverture de l'exposition.
A travers ses paysages industriels quasi abstraits, Charles Sheeler montre une Amérique à deux vitesses : une industrie rapidement prospère mais qui connait une grave crise avec la crise boursière.
Pourtant, les peintres reflètent aussi cette foi toujours plus constante dans le capitalisme même si des milliers d'ouvriers se sont retrouvés dans une grande pauvreté les conduisant à retourner travailler la terre dans les campagnes.
Ce tableau narre un épisode légendaire du début de la guerre d'indépendance contre les Anglais en 1775. La légende a pris une seconde vitesse un siècle plus tard lors de la guerre de Sécession quand un poète a repris cette histoire. On se croirait dans une vignette de la BD Les tuniques bleues.
On reconnait une fois de plus le style régionaliste de Grant Wood, auteur de l'oeuvre American gothic, un an plus tôt. Il transporte cette histoire qui a eu lieu dans le Massachusetts dans un paysage de l'Iowa. Cette scène anecdotique qui a eu lieu au 18eme siècle fut traitée avec une esthétique moderne.
Sous un titre ironique, Joe Jones dénonce les crimes du Klu Klux Klan : le viol et le lynchage d'une jeune femme noire-américaine. Cette jeune femme représente l'allégorie de la justice renversée.
Joe Jones connaissait les références picturales européennes : ce tableau fait penser à une crucifixion peinte par des maîtres anciens des Flandres par exemple. Il pose ainsi la question de la beauté et montre la banalisation des scènes violentes de l'art ancien.
Hopper est le peintre le plus connu de cette exposition mais il ne vole pas la vedette aux autres peintres qui ont eu aussi des sujets et des thèmes intéressants à traiter. Hopper montre la ville- spectacle, à travers tout un répertoire d'images de la culture populaire.
La scène se passe dans un cinéma, comme toujours Jo sert de modèle à son époux, ici, elle tient le rôle de l'ouvreuse.Ce tableau a suscité l'admiration d'André Breton quand il est arrivé aux Etats-Unis durant la seconde guerre mondiale.
Les Français aiment la peinture d' Hopper car il est venu faire un séjour à Paris entre 1906 et 1910. Il aimait la capitale et a réalisé de beaux tableaux symboles de l'esprit parisien : les quais du Louvre, l'escalier de l'église baptiste de la rue de Lille...
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La Grande Dépression américaine en peinture
Le Musée de l'Orangerie invite à redécouvrir l'art américain des années 1930, une période étonnamment fertile où se côtoient réalisme social, nostalgie d'un passé glorieux et nouvelles e...
6 bonnes raisons d'aller voir cette chouette exposition :
- Un prix d'entrée correct pour découvrir cette exposition concise et de qualité ainsi que les collections permanentes du musée de l'Orangerie.
- L'exposition attire chaque jour 3200 visiteurs avec de nombreux articles de presse, allez- y pour briller dans un prochain dîner.
- La possibilité de voir en vrai le tableau iconique American gothic, sujet du générique fait de détournements de tableaux de la série Desperate Housewifes.
- Un sujet original dans le paysage des expositions temporaires cet hiver à Paris
- Un voyage artistique aux Etats-Unis au temps de la grande Dépression sans prendre l'avion, une scénographie sobre mais efficace.
- Le plaisir de découvrir le musée de l'Orangerie qui est beaucoup plus riche que le musée des Nymphéas.