Personne n'est à l'abri d'un baiser fougueux donné par un inconnu dans la rue.
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Il y a quelques mois, je prenais le train et je cherchais un bon roman qui allait pouvoir me captiver pendant quatre heures de trajet. J'aime beaucoup aller à la FNAC de la gare de Lyon car c'est une vraie librairie de gare et une halte sympathique avant de prendre le train.
J'ai choisi Un goût de cannelle et d'espoir de Sarah Mc Coy aux éditions Pocket, édité en 2012. C'est le titre très bien choisi et le bandeau commercial qui m'ont attiré. C'était une histoire dans la lignée du roman Elle s'appellait Sarah de Tatiana de Rosnay, aux éditions Héloïse d' Ormesson.
Un goût de canelle et d'espoir raconte la vie d' Etsie, une très jeune boulangère allemande qui travaille par la force des choses avec ses parents en 1944, en Bavière. Les restrictions alimentaires y sont très dures mais il faut nourrir les gens de la petite ville et garantir la survie de leur propre famille.
Sans être des partisans de l'idéologie nazie, la famille d' Etsie est sympathisante du régime, elle se révèle assez opportuniste mais on se rend bien compte que dans un autre contexte politique, les choses auraient pu être tout à fait différentes.
Même si c'est la guerre avec des conditions de vie vraiment très dures, la jeune Etsie rêve de bals, de toilettes apprêtées et de s'évader de son quotidien. Seulement à ce bal nazi, elle se retrouve confrontée à la brutalité des hommes qui profitent de leur pouvoir pour tyranniser les femmes et les soumettre à leurs volontés. C'est d'ailleurs à ce bal, qu'elle va rencontrer un petit garçon juif Tobias, un rescapé des camps de la mort, qu'on exhibe comme une bête de foire car il a une voix de cristal.
J'ai aimé ce livre car la narratrice est parvenue à nous transporter dans un univers sensoriel très puissant : avec un autre titre, je n'aurais pas choisi ce livre. C'est un mécanisme de lecture très efficace : on traverse les épreuves de cette fille avec difficulté mais on sait qu'on va se délecter plus tard des extraits qui décrivent les pâtisseries de la boulangerie : comme une madeleine moelleuse et réconfortante chère à Marcel Proust. C'est la principale raison qui fait que ce livre m'a marqué.
Ensuite, j'ai bien aimé le parti pris de la romancière qui a détaillé et expliqué à quel point le nazisme était un piège qui embrigadait la pensée dans la sphère familiale et intime : Etsie et sa sœur qui terminaient leurs lettres privées par Heil Hitler, les revirements de situations, la trahison entre les gens : quand un ami, un allié devenait du jour au lendemain un ennemi pouvant vous conduire à la mort dans l'heure...
La seule note d'espoir qui m'a donné envie de terminer ce livre-hormis les passages de description des spécialités de la boulangerie- est le fait qu' Etsie ait caché ce petit garçon juif et lui a permis de survivre puis d'émigrer aux Etats-Unis.
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Cela m'a rappelé l'histoire de Maria, la nièce de Adèle Bloch-Bauer, dont le combat juridique a été retracé dans ce film génial : La femme au tableau.
Il faut reconnaître à l'auteure d'avoir fait un important travail d'archives très précis. Il s'agit d'une romancière américaine ayant vécu longtemps en Allemagne. Cependant, j'ai été gênée par le manque de caractère des personnages secondaires de l'histoire qui font bien pâle figure face à Etsie, l'héroïne.
Il s'agit d'une histoire croisée avec celle de la journaliste qui vient interviewé Etsie âgée dans sa boulangerie allemande au Texas, c'est bien simple, j'ai sauté tous les chapitres de l'histoire de la journaliste Reba. Je regrette que la plupart des auteurs qui traitent de la Shoah choisissent des histoires croisées avec des vies de nos contemporains qui sont parfaitement inutiles.
Et puis curieusement en lisant un article de Paris-Match, le souvenir de ce roman m'a frappé. J'aime beaucoup lire les articles qui montrent en quoi une photographie de la vie civile a eu une incidence sur la vie des protagonistes.
Chacun a un moment ou à un autre a vu cette photo du magazine Life : un marin qui embrasse fougueusement une infirmière sur Times Square car la Seconde guerre mondiale est enfin terminée.
L'infirmière en question Greta Friedman vient de décéder à 92 ans, c'était une jeune infirmière qui avait émigré aux Etats-Unis depuis l'Autriche pour fuir le nazisme.Et elle m'a rappelée la trajectoire de la fille du roman : Etsie, qui émigre au Texas à la fin de la guerre.
Que m'importe l'identité des deux personnages, ce cliché est iconique au même titre que Le baiser de l'Hôtel de Ville de Doisneau, mis en scène pour le magazine Life, employeur de Doisneau en 1950 ou encore Les amoureux de la Bastille de Willy Ronis en 1957.
Je suis outrée que des associations procédurières y aient vu dans ce baiser new-yorkais, une forme d'agression sexuelle, je le vois comme le symbole de la liberté retrouvée, l'urgence de revivre... et c'est d'ailleurs le message du roman Un goût de cannelle et d'espoir.
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Greta Friedman, la femme du " baiser volé " de Times Square est morte
Le 14 août 1945, à l'annonce de la capitulation du Japon, Greta Zimmer Friedman, assistante dentaire, alors âgée de 21 ans, est embrassée à pleine bouche par un marin de l'US Navy fou de joie...