Quand la guerre de 1914-1918 renverse l'institution- mariage !

Suite à un précédent article consacré à la société française et aux arts entre 1900 et 1914, la période dite Belle époque, je voulais continuer sur ma lancée, année du centenaire du début de la première guerre mondiale oblige.

Cette période sombre pour la société française m'a toujours intéressée car deux de mes arrières grands-pères ont été des poilus qui ont dessiné leurs conditions de vie dans les tranchées.

Aussi j'irai voir l'exposition "Eté 1914, les derniers jours de l'ancien monde" à la BNF.

Elle retrace le fait qu' avant que les alliances diplomatiques ne s'emballent, la vie suivait son cours, les paysans pensaient qu'ils ne laisseraient leurs champs que quelques mois. Puis viennent les premières affiches de mobilisation générale en août, la résignation générale gagne l'arrière du pays.

Partie pour ne durer que quelques mois, la guerre a été source de souffrances pour 8 millions de soldats français et leurs familles pendant quatre ans, un million d'hommes sont morts et quatre millions en sont revenus blessés ou mutilés : les gueules cassées du film et du roman de Marc Dugain La chambre des officiers.

Au moment des prochaines élections européennes, le centenaire du début de la Première guerre mondiale soulève des débats. Comment des millions d'hommes en Europe ont sacrifié leur jeunesse et leur corps au nom de l'honneur de la patrie, pris en otage entre les alliances diplomatiques des différentes nations?.

Un de mes films préférés est Un long dimanche de fiançailles de Jean-Pierre Jeunet adapté du roman éponyme de Sébastien Japrisot, une enquête historique menée par Mathilde (la douée Audrey Tautou) pour retrouver la trace de son fiancé Manech, qui fut condamné par l'armée française avec quatre autres soldats à être fusillé par l'exemple pour mutilation volontaire.

Mais le châtiment fut aussi cynique puis qu'on leur donna une chance de s'en tirer en livrant en patûre entre le no man's land, l'espace dénué de sécurité entre les deux tranchées. J'aime ce film car il retrace la vie d'anonymes qui ont été mobilisés en août 1914 et l'impact que la guerre a eu sur leur vie sentimentale et familiale.

Et surtout ce film a été une découverte historique car on tait dans les manuels scolaires, le fait que l'armée française a été d'une grande brutalité envers ses ressortissants au nom de la patrie et de l'honneur militaire.

En ce moment, une bande dessinée rencontre un franc succès en librairie : Mauvais genre de Chloé Cruchaudet aux éditions Delcourt adapté de l'essai historique de Fabrice Virgili et Danièle Voldman, La garçonne et l'assassin publié en 2011 par Payot.

Il s'agit de l'histoire de Louise et Paul, déserteur travesti dans le Paris des années folles. Soldat ayant une névrose de la guerre, il déserte en 1915 et se travestit pour échapper à la justice. On pourrait penser que cette histoire est une fiction tirée de l'imagination de Jean Teulé, qui lui aussi caricature des histoires loufoques mais véridiques. Non il s'agit d'un fait divers ayant donné lieu à un procès en 1925.

La garçonne n'est pas Louise mais plutôt l'assassin. Car une fois ayant repris son identité masculine, Paul se révéla être un mari violent et buveur, Louise ayant pris par la force des choses le rôle d'homme de la maison, n'hésita pas à s'en débarrasser en le tuant.

J'avais découvert cette histoire dans une critique livres du Nouvel Observateur en 2011 car je connaissais un peu le style de l'un des auteurs Fabrice Virgili qui a écrit un livre remarquable sur les femmes tondues à la Libération. Certes le sujet n'est guère réjouissant et assez perturbant sur le plan moral, mais ce qui m'intéresse beaucoup c'est le fait que la guerre de 1914/1918 a eu un impact décisif sur le mariage de Paul et Louise car la guerre fragilise les hommes par ses atrocités et son inhumanité.

BD : "Mauvais Genre", de Chloé Cruchaudet

Chaque semaine, la rédaction de Télérama.fr pioche parmi ses bandes dessinées préférées du moment et demande à un auteur de commenter trois de ses planches. Traumatisé par la Première gue...

http://www.telerama.fr/livre/bd-mauvais-genre-de-chloe-cruchaudet,102249.php

Voici un article de qualité de Télérama, une interview de la dessinatrice Chloé Cruchaudet qui explique bien les sentiments de terreur qui ont habité Paul dans les tranchées et l'ont poussé à fuir son identité masculine pour fuir l'horreur de la guerre.

Cette bande dessinée est un succès littéraire depuis les fêtes de Noël puisque 50 000 exemplaires ont déja été vendus.

Alors oui le titre de la bande dessinée me déplait car il donne du grain à moudre aux partisans de la théorie du genre comme quoi le genre n'est pas biologique mais une construction sociale et gna gna ... mais je le trouve dans ce cas assez pertinent et digne d'être étudié pour comprendre les destabilisations que connaissent les modèles virils au 20eme siècle (étudiés par les anthropologues Vigarello, Courteline et Corbin au Seuil en 2011).

Dans un prochain article, le thème du travestissement vestimentaire et des identités masculines et féminines sera encore à l'honneur suite au récent débat de société polémique au sujet de la journée de la jupe dans la région de Nantes à partir du talentueux essai d'antropologie de Christine Bard Ce que soulève la jupe. Il m'avait marqué par sa qualité durant mes études.

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