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Libraire spécialisée en histoire de l'art, j'ai voulu partager avec vous mes coups de coeur culturels : expos, livres ou encore films qui font sens dans l'actualité culturelle immédiate.

29 Apr

Un dimanche à la campagne : à Montmartre

Publié par Margot  - Catégories :  #Paris, #Sociologie, #peinture

Un dimanche à la campagne : à Montmartre

Comme je l'attendais de longue date, j'ai saisi l'occasion d'aller visiter l'exposition consacrée à la bande dessinée biographique Pablo au musée de Montmartre le week-end de Pâques en excellente compagnie.

Pour fuir la foule, il vaut mieux y venir par la station Lamarck Caulaincourt par la rue des Saules. La raideur des escaliers et des pavés mènent vos pas vers la Butte avec ses immeubles haussmanniens tout autour.

Heureusement les petites maisons atypiques et les vignes permettent encore de voir une démarcation entre la ville et la campagne.

Ce thème anthropologique est l'un de mes sujets de prédilection : l'annexion des villages-faubourgs de Paris par le baron Haussmann, préfet de Paris. Je regrette que la particularité des quartiers de Passy, Belleville ou encore la Butte aux Cailles ait disparue, engloutie par la ville-capitale. A Marseille, l'identité des quartiers-villages est mieux conservée.

A Paris, seule Montmartre conserve son identité malgré les flux touristiques importants grâce au tissu culturel associatif autour du musée de Montmartre, par une volonté collective de conserver l'esprit poulbot. C'est un petit musée méconnu mais d'une grande richesse symbolique. Il porte tout un pan de l'imaginaire que s'est constitué à travers les films ou la publicité un touriste asiatique, russe ou américain à l'image du film Moulin rouge de Baz Luhmann qui a détourné et réinventé l'histoire patrimoniale du Moulin rouge (la sculpture de l'éléphant dans la cour du cabaret existait réellement).

Le bal du moulin de la Galette par Renoir et le moulin Radet du 18eme siècle.Le bal du moulin de la Galette par Renoir et le moulin Radet du 18eme siècle.Le bal du moulin de la Galette par Renoir et le moulin Radet du 18eme siècle.

Le bal du moulin de la Galette par Renoir et le moulin Radet du 18eme siècle.

J 'aime ce film même si rien n'y est authentiquement français mais l'esprit bohême de Montmartre est bien présent. Alors que la bande dessinée de Clément Oubrerie et Julie Birmant à l'honneur au musée, est d'une grande qualité documentaire sur cette époque.

Au rez de chaussée du bâtiment, les planches crayonnées montrent les extérieurs du maquis quand Montmartre n'était encore qu'un vaste terrain vague avant le percement d'une grande avenue en 1906 (peinture de Renaudin) et la construction de la basilique du Sacré Coeur.

 

A l'étage, se trouve une superbe maquette qui m'a fait réver. Elle localise les ateliers d'artistes, un vivier de talents voisins les uns des autres. Renoir fut l'un des premiers à poser son chevalet à Montmartre : La balançoire, Le bal du Moulin de la Galette en 1876 (encore un tableau du legs Caillebotte). Les moulins ont une place majeure dans le paysage de Montmartre avec ses cabarets. Au lendemain de la Commune, grande insurrection populaire qui s'est jouée à Montmartre en 1871, on note une grande souffrance liée au deuil de très nombreux Parisiens, ainsi la joie de vivre et les excès de la fête servent à oublier les heures sombres une décennie plus tôt.

 

On observe une grande différence de peindre entre Renoir et Picasso. Alors que les impressionnistes ont fondé une nouvelle Renaissance artistique à travers la recherche des reflets de la lumière sur les élements naturels : l'eau, la neige, à travers le respect de la perspective... Picasso et les autres peintres avants-gardistes tels que Derain, Matisse, Braque ont apporté une nouvelle approche du cadre spatial, un traitement novateur du nu féminin, délaissant les scènes de genre mondaines pour ne s'attacher qu'au motif. Ainsi les Demoiselles d'Avignon (sujet du tome 4 de la BD) est un jalon majeur de l'histoire de l'art du 20eme siècle car Picasso y assume un retour arrière, il refuse les règles de la perspective, déforme les visages.

 

Clément Oubrerie a très bien rendu les expressions médusées des premiers spectateurs des Demoiselles d'Avignon. Qui aurait pensé que le chef d'oeuvre du MOMA, l'un des tableaux les plus chers au monde ait fait l'objet d'autant de réserves en 1907 et qu'il ait été longtemps remisé dans un coin de l'atelier du Bateau Lavoir?.

 

Un dimanche à la campagne : à Montmartre
Un dimanche à la campagne : à Montmartre

Pourtant cette exposition tirée d'une bande dessinée n'est pas à la gloire de Picasso, le vrai sujet est le point de vue de Fernande Olivier sur le début de carrière de l'artiste. c'est elle qui a vu mûrir son talent quand il doutait et était désargenté. Le scénario se construit sur ses souvenirs heureux et malheureux. Car malgré l'excitation et la joie d'avoir vécu les débuts de l'avant-garde, Fernande dit aussi son amertume d'y avoir laissé une partie de sa jeunesse. Car le manque de stabilité affective entre les peintres et leurs modèles est le thème central de cette histoire, la  conception des tableaux passe au second plan.

 

La dernière salle de cette petite exposition m'a vraiment touchée au coeur. On entend dès la salle voisine la petite voie enjouée de Fernande Olivier dans un vieux poste de radio sous un grand portrait d'elle en noir et blanc. Cette dernière séquence se trouve dans une salle du musée où a été reconstitué un vrai café de Montmartre. C'est une grande réussite scénographique là où avec de grands budgets de grosses productions culturelles échouent à créer un fort lien affectif entre leur sujet et le public. Depuis, je regarde la carrière de Pablo Picasso sous un autre oeil que la désapprobation de l'argent facile et de la maltraitance psychique envers les femmes.

 

Par ce procedé, Fernande Olivier, une femme presque anonyme devient intemporelle. Cela me rappelle le tout début de l'histoire quand une mère de famille du 21eme siècle de Montmartre appelle ses enfants Fernande et Pablo à rentrer, des prénoms bourgeois-bohèmes remis au goût du jour.

Un dimanche à la campagne : à Montmartre

Enfin, les collections permanentes du musée m'ont réconcilié avec Montmartre, un quartier qui,malgré le tourisme de masse n'a pas perdu son identité.

Je constate qu'il y a deux perceptions de la culture française, le patrimoine historique restitué par les musées et le folklore commercial pour le tourisme réinventé pour vendre du rêve et des souvenirs bon marché.

 

Certes, le french cancan n'est un trait de la culture française que pour les touristes mais il renvoie à une époque : celle de 1900, l'exposition universelle et les décors de la baraque de la Goulue peints par Toulouse Lautrec et conservés au musée d'Orsay.

 

Une très belle exposition vient de commencer sur ce sujet au Petit Palais dont voici un lien plus bas. Elle fait revivre les grands bouleversements sociaux et urbains en 1900 avec l'arrivée du métro et les constructions architecturales temporaires ou perènnes comme les Grand et le Petit Palais pour glorifier Paris, capitale des arts et l' économie florissante du pays.

 

Un dimanche à la campagne : à MontmartreUn dimanche à la campagne : à Montmartre

N'oubliez pas la dédicace du tome 4 de Pablo par Clément Oubrerie le 30 avril à 17h à Super héros, librairie spécialisée en BD

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