La coupole des Galeries Lafayette ou le grand magasin- musée

Constant que depuis la création de ce blog en janvier dernier, un précédent article d'art populaire (Avant le supermarché, quand le décor de devantures alimentaires était un art) suscitait de l'intérêt, j'ai voulu continuer sur ma lancée en parlant des grands magasins parisiens du 19eme siècle.

Le 19eme siècle me passionne tant sur le plan sociologique et anthropologique que dans le domaine de l'histoire des arts (le musée d'Orsay est pour moi le musée idéal, un voyage dans le temps). En effet, il est révélateur de profondes mutations économiques : l'entrée de la France dans la révolution industrielle, le rayonnement commercial des grandes Expositions universelles....

Cela entraina des effets directs sur la vie quotidienne : le travail des bourgeois dans les bureaux à travers les tableaux de Degas et de Caillebotte, le dur labeur de la classe ouvrière et surtout la création de lignes de chemin de fer qui ont permis le développement des loisirs : partir se détendre à la campagne ou à la plage pour les plus riches.

Le 9eme arrondissement de Paris, celui du boulevard Haussmann et des grands magasins est particulièrement révélateur de ce tournant économique et social.

Le Paris d'Haussmann a totalement révolutionné l'espace urbain de la capitale à travers le quadrillage géographique des rues et l'élévation uniforme des immeubles, l'agrandissement notable des avenues ainsi que l'annexion de nombreux villages alentour : Passy, Auteuil, Ménilmontant, Montmartre, Belleville... pour créer les vingt arrondissements actuels.

Les grands magasins du Printemps et des Galeries Lafayette se sont implantées dans ce quartier stratégique pour les affaires financières (non loin de la Bourse), proche de l'Opéra et de la Gare Saint-Lazare peinte par Claude Monet. Les grandes banques ont construits leurs sièges sociaux, de luxueux immeubles imposants le long du boulevard des Italiens.

Les grands magasins du 19eme siècle seront le point de départ d'une série d'articles consacrée au 19eme siècle à Paris : l'Opéra Garnier, l'essor du chemin de fer commercial (le transport de voyageurs et plus seulement de marchandises) à travers le tableau de Edouard Manet Le chemin de fer daté de 1872 et surtout le développement des loisirs : les guinguettes du bord de Seine à Louveciennes et Bougival...

Le premier grand magasin est Le bon marché en 1852 fondé par Boucicaut, il inspirera  Emile Zola pour le titre de son roman Au bonheur des Dames. L'écrivain qualifiait les grands magasins de "cathédrales du commerce" tant leur organisation spatiale relève du théatre avec leur espace central et leurs multiples balcons  demis-circulaires...

Viendront ensuite la fondation du Printemps et de la Samaritaine en 1865.

Les Galeries Lafayettes sont le dernier grand magasin à la toute fin du 19eme siècle par deux frères venus d'Alsace Bader et Kahn en 1896. Au départ, c'était une petite mercerie avec des tissus qui a constitué un "empire" en ajoutant des immeubles (comme Jules Ouaki le fera cinquante ans plus tard à Barbès avec les magasins Tati).

Les galeries Lafayette ne sont pas le premier grand magasin mais c'est le plus emblématique dans l'imaginaire collectif, notamment celui des touristes du monde entier.

Sa coupole majestueuse est révélatrice du style Art Nouveau 1900, l'architecte de l'ensemble Chanut conçut une coupole à la lumière dorée selon les voeux du fondateur Bader pour faire refléter la marchandise. Il s'entoura du savoir- faire de l'école de Nancy, les ferroneries des balcons ainsi que la rampe de l'escalier central sont signés Louis Majorelle. Enfin, le maître-verrier Gruber a conçu les vitraux selon le style romano-byzantin, élément phare de l'Art nouveau.

Cette coupole est l'un des joyaux du patrimoine commercial parisien et elle élève au rang de cathédrale ou de musée un simple magasin grâce aux prouesses artistiques acquises au 19eme siècle.